[Et là, je sais que Sourire sera d'accord avec moi]
Il y a sept personnages. Ils ne se connaissent pas.
Il y a la pension Almayer, au bord de la Mer - la Mère. Et c'est là que tout commence.
Il y a une petite fille qui ne veut pas mourir, un Père qui ne connait pas la route à prendre, un peintre, un scientifique, une femme qui tente de guérir, un homme qui a le regard d'un homme en chasse. Et un mystérieux septième personnage. Quelques enfants si vieux qu'ils pourraient être les enfants de la Mer.
Pour aimer Océan Mer, faut avant tout aimer rêver, aimer le lyrisme, aimer deviner des formes dans les nuages et donner des noms aux étoiles. Faut aimer voyager dans sa tête et s'enfuir à l'autre bout de nos pensées.
Et bien entendu, faut aimer le bruit des vagues qui viennent se briser sur les falaises du coeur.
Extrait :
Et puis la vie, elle ne se passe pas comme tu imagines. Elle va son chemin. Et toi le tien. Et ce n'est pas le même chemin. Alors… Ce n'est pas que je voulais être heureuse, non. Je voulais… me sauver de tout ça, voilà : me sauver. Mais j'ai compris tard de quel côté il fallait aller. On croit que c'est autre chose qui sauve les gens : le devoir, l'honnêteté, être bon, être juste. Non. Ce sont les désirs qui vous sauvent. Ils sont la seule chose vraie. Si tu marches avec eux, tu seras sauvée. Mais je l'ai compris trop tard. Si tu lui laisses du temps, à la vie, elle tourne d'une drôle de manière, inexorable : et tu t'aperçois que là où tu en es maintenant, tu ne peux pas désirer quelque chose sans te faire du mal. C'est là que tout se complique, il n'y a aucun moyen de s'échapper, plus tu t'agites, plus le filet s'emmêle, plus tu te rebelles, et plus tu te blesses. On ne s'en sort plus. Quand il était trop tard, c'est là que j'ai commencé à désirer. De toute la force que j'avais. Je me suis fait tant de mal, tu ne peux même pas imaginer.
Tu sais ce qui est beau, ici ? Regarde : on marche, on laisse toutes ces traces sur le sable, elles restent là, précises, bien en ligne. Mais demain tu te lèveras, tu regarderas cette grande plage et il n'y aura plus rien, plus une trace, plus aucun signe, rien. La mer efface, la nuit. La marée recouvre. Comme si personne n'était jamais passé. Comme si nous n'avions jamais existé. S'il y a, dans le monde, un endroit où tu peux penser que tu n'es rien, c'est cet endroit, c'est ici. Ce n'est plus la terre, et ce n'est pas encore la mer. Ce n'est pas une vie fausse, et ce n'est pas une vie vraie. C'est du temps. Du temps qui passe. Rien d'autre.
Ce serait un refuge parfait. Nous serions invisibles, suspendus. Imperceptibles même pour nous. Mais quelque chose vient gâter ce purgatoire. Quelque chose à quoi tu ne peux pas échapper. La mer. La mer ensorcelle, la mer tue, émeut, terrifie, fait rire aussi parfois, disparaît, par moments, se déguise en lac ou alors bâtit des tempêtes, dévore des bateaux, elle offre des richesses, elle ne donne pas de réponses, elle est sage, elle est douce, elle est puissante, elle est imprévisible. Mais surtout, la mer appelle. Tu le découvriras, Elisewin. Elle ne fait que ça, au fond : appeler. Jamais elle ne s'arrête, elle pénètre en toi, elle te reste collée après, c'est toi qu'elle veut. Tu peux faire comme si de rien n'était, c'est inutile. Elle continuera à t'appeler. Cette mer que tu vois et toutes les autres que tu ne verras pas mais qui seront là, toujours, aux aguets, patientes, à deux pas de ta vie. Tu les entendras appeler, infatigablement. Voilà ce qui arrive dans ce purgatoire de sable. Et qui arriverait dans n'importe quel paradis, et dans n'importe quel enfer. Sans rien expliquer, sans te dire où, il y aura toujours une mer qui sera là et qui t'appellera.
N'oubliez jamais : Les bateaux sont les yeux de la Mer.